Ce soir je suis donc allé au Brooklyn Center for the Performing Arts avec Anne-Sophie. C’est un théâtre sur le campus du Brooklyn College. On est arrivés juste à temps mais sans billet, et dans la queue, en papotant, une dame en nous a donné deux gratuits.

Le troupe qui dansait ce soir était la Compañía Nacional de Danza 2 (Espagne). Si, si … 2. C’est un peu comme une équipe nationale junior. Les danseurs sont très jeunes. Le chorégraphe et directeur artistique de la troupe est Nacho Duato. C’est un des chorégraphes préférés d’Anne-Sophie et je comprends mieux maintenant. C’était absolument époustouflant. Tout d’abord pour le choix des musiques (on ne se refait pas) et notamment pour les Valses Poétiques de Granados (voir plus bas) qui ont accompagné la première pièce Remansos, mais aussi pour le choix des univers et leur réalisation sur scène.

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Le dernier spectacle de danse comtemporaine que j’avais vu au Joyce Theatre ( comme dirait Drucker « souvenez-vous » …) m’avait beaucoup ému, et impressionné à la fois. Et bien une fois de plus j’ai été surpris par l’expressivité des corps, des mouvements, des rythmes. On a peu l’impression de voir des humains tant leurs corps sont « intelligents » comparés à nos coquilles falsques! J’apprécie particulièrement (et surtout en ce moment) qu’aucun mot ne vienne orienter nos pensées. Bien sûr, le cerveau travaille, mais ce sont avant tout des corps qui parlent à d’autres corps et la parole n’a plus de poids. Je me suis surpris à de nombreuses reprises à penser aux rapports humains, à la vie en société et à l’amour et à trouver des réponses dans les gestes gracieux et précis des danseurs – ou quand l’art ne sert à rien mais est indispensable.

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Je voudrais ajouter quelques mots sur Enrique Granados. Je connaissais de nom ce contemporain de Ravel, Debussy, Fauré … mais je ne connaissais pas sa musique (j’essaie d’ailleurs progessivement de cesser d’utiliser cette expression « je connais de nom » – ce qui revient à dire « je sais l’écrire mais c’est à peu près tout » … donc autant dire « je ne connais pas », non?). Les valses poétiques de ce soir étaient teintées d’impressionnisme mais tout de même un peu plus modernes, un peu plus sèches. Bref, très belle musique. Une bio était incluse dans le programme et les dernières lignes m’ont figé sur place. En effet, alors qu’il rentrait avec son épouse de tournée aux Etats Unis (1916), les allemands torpillèrent le navire. Bienqu’il ait réussi à rejoindre un vaisseau de sauvetage, il vit son épouse se noyer sous ses yeux et sauta à l’eau pour mourir avec elle.

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Enrique Granados y Campiña
(1867 – 1916)

Des extraits audio sur El Poder de la Palabra ici. Excellent site. Me sert de jukebox classique quand je ne suis pas chez moi.